Commerce de fruits sur l’avenue Thomas Sankara: Une activité qui préserve la dignité de ces femmes

Le long du mur de l’Agence d’information du Burkina, assises sous les cail-cédras, des femmes vendent des fruits.  Une activité bien qu’elle ne leur offre pas assez d’argent leur procure la dignité. 

Jeudi 6 janvier 2022 dans l’après-midi sur l’avenue Thomas Sankara. Sous l’ombre des Caïcedras, il y a des étals de fruits.  Derrière ces tables des dames sont là, prêtes à sauter sur un passant qui feint de regarder vers elles pour lui tendre des fruits.  Il y a de la pomme, des poirs, des bananes, des raisins empaquetés, des papayes, des oranges et des mandarines, bien rangés sur les tables. 

La vente des fruits permet aux femmes de subvenir à leur besoin

Mais souvent les passants esquivent aussitôt les propositions, et les femmes rejoignent leurs places.  Awa après une course dernière un passant vient de s’assoir en compagnie d’une de ses amies vendeuses de pagnes.

Selon cette femme qui dit avoir plus de dix ans dans cette activité, les clients se font de plus en plus rares et le marché est morose.  « Je ne comprends pas ce qu’il se passe.  Les gens ne veulent pas acheter nos fruits.  J’ai l’impression qu’ils manquent d’argent alors que nos fruits ne coûtent pas chers » explique Awa, qui ne vend que de l’avocat.

Chez elle, il y a de l’avocat de 150 FCFA, 200 FCFA, 300FCFA et 500 FCFA.  « Tout le monde peut avoir en fonction de ses moyens » s’empresse-t-elle de dire.  Elle ajoute : « Je ne vends pas que l’avocat.  Il y a également la banane mais je n’en pas eu aujourd’hui.  Et puis l’avocat est préféré par les diabétiques » déclare cette dame.

Non loin de Awa, Aminata est assise la tête couverte de voile noir, soutenue pas le bras gauche. L’air fatiguée, elle regarde sa table sur laquelle sont rangés des pommes, des poires, des bananes et des oranges.

« La pomme coûte 200 FCFA l’unité.  Celles qui sont dans le sachet font 1000 FCFA.  Une orange c’est 50 FCFA et une banane fait 100 FCFA. Ce n’est vraiment pas facile pour nous actuellement. Il n’y a pas de clients » indique Aminata dans une voix qui peine à sortir.

« Il y a longtemps que je vends des fruits.  J’étais à proximité du camp de la gendarmerie de Paspanga. Mais depuis que la route est barrée, cela fait quatre ans que je suis ici, mais ça ne marche pas. Avant tout allait bien parce que j’étais la seule vendeuse de fruits en venant du rond-point des Nations » explique Aminata.

L’absence de clients est devenue une antienne pour ces dames.  Fati, assise sur un tabouret lave des papayes dans une bassine.  Sur la table à proximité d’elle, sont présentés des avocats montés les uns sur les autres.

Soudain, elle se lève pour croiser un piéton qui traverse difficilement la route. Il s’agit d’un vieil homme qui vient acheter des fruits.

Appelle à contrôler les prix

« C’est quels fruits vous voulez Papa » s’adresse-elle à l’homme qui jette un regard furtif sur les papayes avant de tâter les avocats.

« Il y a des avocats de 150 FCFA, de 300 FCFA et de 350 FCFA » indique Fati à l’homme qui en prend trois de 150 F. Mais ce n’était son choix. « Je voulais la papaye. Mais à voir, je suis sûr que c’est cher. Donc je vais me contenter des avocats » dit-il pendant que Fati marmonne : « En tout cas les fruits sont chers.  Chaque jour le prix ne fait que grimper ».

Et l’homme de reprendre : « Les frontières sont fermées.  Les gens disent que les fruits viennent de la Côte d’Ivoire.  Si on pouvait ouvrir les frontières cela allait nous aider ».  Informé que la fermeture des frontières ne concernait pas les marchandises, il se met à hausser le ton : « Donc les organes chargés de faire le contrôle des prix n’ont quà sortir.  S’ils trouvent des gens qui vendent cher, il faut tout simplement fermer leur commerce ».

Mais Mme Bassolé, une autre cliente trouve le prix des fruits abordable.  Descendue d’une voiture Land Rover, elle a acheté des bananes, des pommes, des poires et des avocats.  Elle a de la préférence pour ces fruits qu’elle trouve riches en vitamine.  Elle loue l’abnégation de ces dames qui vendent les fruits et déclare faire les achats ici pour les encourager.

« J’ai croisé mon mari ici »

Située à l’extrémité de la rangé, sur la table de Adjara une autre vendeuse de fruits, il y a des pommes, des poires, des mandarines, des raisins, des bananes.  Une grande table qui fait sa fierté, elle qui dit avoir commencé son commerce avec une assiette de bananes.  « Cela fait 20 ans que je suis ici. J’ai commencé mineure avec une assiette de bananes. Mais grâce à Dieu, j’ai pu agrandir mon commerce » s’exclame-t-elle avant d’ajouter avec un sourire : « C’est ici que j’ai croisé l’homme qui m’a épousée. Aujourd’hui nous sommes à 17 ans de mariage et nous avons deux enfants ».

Selon Adjara la cherté des fruits s’explique par le fait qu’ils viennent d’autres pays.  « La banane vient du Ghana, la pomme, l’orange et le poire du Maroc, le raisin de l’Afrique du Sud.  C’est ce qui explique que les prix sont élevés » dit Adjara.  Elle indique que les bananes du Burkina coûtent moins chers par exemple.  « Une banane du Burkina fait 50 FCFA. Les gens aiment acheter cette banane au regard du nombre d’enfants qu’ils ont en famille.  S’il faut payer des bananes pour une famille de dix membres, le choix est vite fait sur celles de 50 F que celles de 100 F l’unité » fait comprendre Adjara.

Une entente pour mieux vendre

Adjara et sa voisine Fati ont mis en place une stratégie pour écouler leurs fruits et être prolifique. L’une ne vend pas les mêmes fruits que l’autre.

« Je ne vends que des papayes et des avocats.  Cela pour permettre à ma voisine de vendre d’autre fruits et avoir quelque chose » explique Fati.  Et Adjara de renchérir : « Si nous n’adoptons pas cette stratégie, nous n’allons pas faire des recettes.  Ce système nous évite des conflits.  Dans les jours à venir ma voisine va en plus vendre des mangues. Ce que moi, je ne ferai pas ».

Tisser l’espoir

Ces dames vendeuses de fruits ne sont pas prêtes à livrer tout au curieux journaliste. Le chiffre d’affaires, le bénéfice journalier restent des secrets.

Cependant, elles se réjouissent de pouvoir s’occuper d’elles-mêmes grâce à ce commerce et à soutenir leur famille.

« Je ne gagne pas beaucoup mais. J’arrive à aider mon mari à prendre soin de la famille. Grâce à ce commerce, je l’aide à payer par exemple la scolarité de nos deux enfants » déclare Adjara. Quant à Awa, la vente des fruits lui permet de garder sa dignité.  « J’arrive à me mettre à l’abri de la honte, à me nourrir et me soigner.  Je rends grâce à Dieu » dit-elle.  Fati et Aminata, elles également sont fières de leur métier.  « Mieux vaut faire ce commerce que de n’avoir rien à faire pour cacher sa honte » fait savoir Fati.  Pour Aminata « on se débrouille en espérant que demain sera meilleur.  Je prie que la paix revienne dans le pays ». Les attentes de ces vendeuses de fruits, c’est d’avoir un soutien financier pour agrandir leurs commerces.

Rabalyan Paul OUEDRAOGO

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